Échos à vos questions et commentaires

#4 Je débute ma lecture et à date je trouve votre ouvrage très intéressant. Mais il me semble que vous ratissez un peu large en prétendant rejoindre les parents, les enseignants de la maternelle et du primaire, les étudiants en formation des maîtres et les professeurs d’université! N.W.C., St-Boniface, MA, Canada
Même si vous n’en êtes qu’au début de votre lecture, j’imagine que vous avez déjà noté l’abondance d’exemples et d’illustrations dans diverses classes et auprès d’une variété d’enfants, aussi le ton et le souci de présenter les choses le plus simplement possible; même les plus complexes à l’occasion. Je tente constamment de préciser ma pensée; trop peut-être au goût de certains, mais l’inverse avouons-le aurait été plus contrariant… Le but étant de ne laisser aucun lecteur «sur le carreau» et de nourrir au besoin «sa grosse dent»! Qu’il soit seulement grand-parent ou formateur d’enseignants!

L’accessibilité est à mon avis capitale dans un tel projet, et sur tous les fronts. Il faut redonner le goût des sciences aux plus jeunes ─ bien avant qu’ils n’arrivent à l’adolescence… ─, contrer les nombreux courants antiscience actuels, assurer une citoyenneté plus éclairée et plus critique ─ donc moins manipulable! ─ et, enfin, mieux satisfaire éventuellement la demande incessante, et sans cesse croissante, pour des postes exigeant une formation scientifique.

Bien sûr, pour y arriver il a fallu multiplier les notes de bas de page qui peuvent parfois agacer par leur nombre. Mais, à procéder de la sorte, le lecteur ne se voit pas freiné dans sa lecture si, pour lui, le contenu du texte principal est déjà clair, ou qui souhaite ne pas perdre le fil dans le cours de sa lecture, quitte à revenir par après à ces adjonctions. Cependant, pour le lecteur moins familier avec le sujet traité ou qui désire en savoir davantage, ces renvois (de surcroît immédiatement accessibles au bas de page et non pas seulement en fin de chapitre…) constituent à mes yeux une ressource d’appoint qui peut être appréciée par plusieurs; qu’ils soient profs d’université (didacticien des sciences), étudiant en formation des maîtres, enseignant au préscolaire ou au primaire, ou parent, grand-parent de jeunes de 5 à 12 ans… Ainsi, tout en se voulant d’accès aisé, vulgarisé diraient certains, on peut nourrir sa curiosité et son intelligence en répondant au maximum de questions, et réduire l’ambiguïté, la confusion… et certainement la frustration!

Il faut aussi se rappeler que ce n’est pas un livre de recettes…
Comme chez les enfants, mais à un autre niveau, j’ai voulu permettre au lecteur adulte qui intervient, ou qui traite d’intervention auprès d’eux, d’être exposé à une pensée assez claire et complète pour forger sa propre opinion, exercer son jugement critique et sa créativité. Je crois que c’est la condition pour intervenir judicieusement dans l’esprit de cet ouvrage. Et certainement, aussi, celle qui permettra par ricochet aux jeunes d’en faire autant!
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#3 Ne croyez-vous pas que l'hétérogénéité des classes (intégrant plusieurs «cas problèmes») rend quasi impossible l'application des idées que vous défendez dans votre ouvrage? J. B., Montréal, Québec, Canada
Reconnaissons au départ que la profession d’enseignant sera toujours l’une des plus difficiles et des plus exigeantes qui soient, mais également l’une de celles qui peuvent procurer les plus grandes satisfactions.

Ceci étant dit, pour répondre à votre question, je dirai que tout dépend de la nature et, surtout, du nombre de ces «cas problèmes». Si vous entendez par «cas problèmes», un nombre restreint (moins de 10%) d’élèves au prise avec un déficit grave d’attention, une grande hyperactivité ou un comportement fortement déviant, il est souvent possible (pas toujours, évidemment), en adoptant un mode d’intervention comme celui préconisé, de réduire sensiblement le déclenchement de certaines «crises», au point où chacun d’eux (et le reste de la classe, par ricochet) puisse en venir à un fonctionnement relativement acceptable, voire sain. On sait en effet que leurs «crises» sont souvent liées au stress ou à l’ennui qu’ils peuvent éprouver en classe et, aussi, aux tensions ambiantes. Une motivation déficiente et des contraintes indues constitueront toujours un terreau favorable au déclenchement de ces «crises». Ainsi, l’adoption d’une pédagogie semblable à celle préconisée permet de réduire, dans certaines classes de façon appréciable, les écarts en question. Ces écarts, on le sait, demeurent largement hors du contrôle des jeunes visés, à moins d’un changement d’environnement ou de médication, ou les deux…

Bien sûr, la réussite suppose, comme toujours, une relation de confiance et de respect mutuel préalable, qui n’est pas toujours facile à instaurer, j’en conviens…

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#2 Je pense que bien peu d'enseignants sont aptes à utiliser le mode d'intervention que vous préconisez; il soulève trop d'anxiété. On n'est plus en mesure de prévoir ce qui va se produire chez les élèves. A.-M. D., Tadoussac, Québec
Je ne suis pas très étonné de votre commentaire. Je reconnais que, à première vue, ce mode d’intervention fondé sur le questionnement des élèves peut causer de l’anxiété. Lorsque l’on est habitué à tout prévoir et à tout contrôler, la spontanéité des jeunes et le nombre de leurs idées (lorsqu’ils se sentent en confiance, bien sûr) peuvent déconcerter et conduire, par réflexe pour ainsi dire, à douter de ses propres compétences d’enseignant. Je le reconnais. Cette approche pédagogique est en contradiction avec le confort apparent que peut procurer l’enseignement traditionnel, où l’enseignant assure à lui seul l’entier leadership de la classe — quitte à «faire de la discipline» au besoin pour y parvenir. C’est négliger cependant le confort (parce qu’il est prévisible) et le plaisir (parce qu’il est partagé) qui découlent de la maîtrise du geste pédagogique qui fait éclore le potentiel des élèves (et aussi celui souvent insoupçonné de l’enseignant lui-même). Ce geste qui, par étymologie, consiste à tendre la main et à accompagner un élève qui en vient à s’affirmer en exprimant ses idées de différentes façons et non pas seulement par la parole. De tels gestes portent en eux-mêmes leur propre récompense; autant pour l’enseignant que pour l’élève.

On pourra rétorquer qu’il s’agit peut-être là d’«une bien belle idée», mais que sa concrétisation dans une classe normale est une toute autre histoire. Or, justement, la totalité de l’ouvrage Des sciences à l’école nous montre à l’œuvre de tels enseignants dans de telles classes — constituées d’élèves tout à fait «ordinaires» au départ. Quelques dizaines d’enseignants qui vivent quotidiennement cette pédagogie au sens étymologique véritable du terme!… Et personne, dans toutes ces classes, n’a l’air d’accomplir une tâche insurmontable…

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#1 Que pensez-vous de la formation des enseignants; n'est-elle pas un frein à la formation scientifique de nos jeunes? J.C., parent, Clermont-Ferrand, France
Je pense qu’elle est très variable mais, dans la mesure où l’essentiel a été développé, le reste peut s’acquérir sur le tas… Cet essentiel? Hormis, bien sûr, l’amour des enfants et le désir profond de les connaître sous leurs multiples facettes, j’ajouterai…

En premier lieu, l’ouverture d’esprit et la curiosité, ces deux attitudes étant d’ailleurs intimement liées. C’est reconnaître — pas seulement avec la tête mais aussi, comment dire?, avec le cœur, les émotions, les tripes! — qu’on peut se tromper et que, lorsque cela se produit, on peut en tirer profit. C’est aussi rechercher délibérément le nouveau, le différent et, chemin faisant, se réjouir à l’avance à la perspective de découvrir ou d’apprendre quelque chose de neuf : sur soi, sur l’autre, sur les autres ou sur tout ce qui nous entoure…

En second lieu, reconnaître, profondément, que d’autres peuvent nous aider, sans pour autant se déprécier soi-même! Lire, écouter, réfléchir et, ensuite, prendre position… en tout temps, tout lieu, sur tous les sujets, même sur ceux qui jusque là ont pu nous sembler évidents…

Enfin, en troisième lieu, retrouver son âme d’enfant. Qui, spontanément, s’intéresse à tout, aborde (sans fard, ni gêne) tous les sujets, qui a sa «petite idée» sur tout ou presque mais toujours prêt à la réviser devant l’implacable réalité; en outre, qui dit à qui veut l’entendre : «Je suis capable!…», confiant qu’il est que l’adulte va lui dire : «Viens!, Vas-y!, Goûte!, Regarde!, Tu es capable!…»

Avec de telles dispositions d’esprit, nul doute que cet adulte deviendra, avec le temps, un enseignant de premier ordre.

On rétorquera, avec raison, que tous ces adultes n’ont pas eu cette chance dans leur jeunesse. On devrait plutôt dire que «rares» sont ceux qui ont eu cette chance. Mais, reconnaissons que «tous», pour notre plus grand bien personnel en premier lieu, nous pouvons prendre le taureau pas les cornes et y parvenir… Suffit d’y mettre le temps et l’effort…

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